L'impact de l'IA sur la XR, l'éducation, l'emploi et le monde
L’IA évolue à un rythme effréné, et selon Charlie Fink, nous assistons à un bouleversement aussi important que l’arrivée d’Internet… voire encore plus.

L’IA évolue à un rythme effréné, et selon Charlie Fink, nous assistons à un bouleversement aussi important que l’arrivée d’Internet… voire encore plus. Producteur, podcasteur, auteur, professeur et chroniqueur pour Forbes sur l’IA, la XR et le métavers, Charlie s’est joint à moi pour une plongée en profondeur dans le paysage en pleine mutation des technologies immersives et de l’intelligence artificielle.
De la remise en question de l’avenir des écrans portables à l’affirmation que la démocratie elle-même pourrait ne pas survivre à Internet, Charlie a partagé une vision sans filtre du monde vers lequel nous nous dirigeons.
Interview avec Charlie Fink
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans les technologies immersives au cours des trois dernières années ?
Charlie Fink : L’IA a complètement changé ma façon de penser les écrans portables. Pendant des années, on pensait que les lunettes AR allaient représenter l’avenir de l’informatique. Aujourd’hui, je n’en suis plus aussi sûr. Vous avez déjà un excellent écran dans votre poche : votre smartphone. Pourquoi en faudrait-il un autre sur votre visage ? Les capteurs pourraient toujours être intégrés dans les lunettes, mais l’écran lui-même ? Je pense qu’on en a moins besoin que ce qu’on croyait.
Vous pensez donc que l’IA va rendre les lunettes AR obsolètes ?
Charlie Fink : Pas complètement, mais elle va modifier notre façon de les envisager. Les lunettes sont un bon support pour les capteurs, mais remplacer votre téléphone par un affichage tête haute ? Ce n’est plus vraiment nécessaire. L’IA évolue vers des interfaces audio-first : écouteurs intelligents, assistants vocaux capables de comprendre le contexte… Pourquoi regarder un écran quand l’IA peut simplement vous dire ce que vous devez savoir ? C’est pourquoi je pense que le CES sera rempli de lunettes audio intelligentes — pas de casques AR.
Que pensez-vous du Humane AI Pin ?
Charlie Fink : Un désastre. Il n’avait aucun logiciel. C’était un appareil autonome, ce qui était une énorme erreur — il aurait été cent fois meilleur s’il s’était simplement connecté à votre téléphone. Cela dit, ils ont eu une bonne intuition : le lifelogging. Enregistrer tout ce que vous entendez, voyez et dites est une idée incroyablement puissante. Imaginez une IA qui se souvient de chaque conversation que vous avez eue — une base de données personnelle et consultable. C’est ça, la vraie innovation. Mais le Humane AI Pin est complètement passé à côté.
Donc selon vous, le lifelogging est l’avenir ?
Charlie Fink : Absolument. Disons que j’ai discuté avec un ami pour réserver un déjeuner. Le lendemain, j’oublie la date qu’on avait choisie. Avec une IA de lifelog, je pourrais juste demander : « Quand ai-je dit que je réserverais le déjeuner ? » et boom — elle me le dit. Cela va tout changer dans notre façon d’interagir avec nos souvenirs numériques.
Selon vous, où en est la XR aujourd’hui ?
Charlie Fink : Ce n’est plus un média émergent. C’est une plateforme de niche pour le jeu vidéo — un peu comme la Nintendo Switch. Elle a sa place, mais ce n’est pas grand public. Le gros problème ? Il n’y a pas de killer app. Et ce n’est pas seulement une question de contenu, c’est l’absence d’une expérience incontournable. Le matériel est déjà plutôt bon. Le problème, c’est qu’on n’a pas de raison suffisante pour que les gens acceptent les contraintes d’utilisation. Tant qu’il n’y aura pas de phénomène culturel autour de la XR, elle restera un marché de niche.
Comment voyez-vous la fusion entre l’IA et la XR ?
Charlie Fink : L’IA est exactement ce que la XR attendait. Elle va permettre d’avoir de meilleurs assistants virtuels, de meilleures expériences en réalité mixte, et même des univers de jeu plus immersifs. Elle rendra la XR plus utile — mais encore une fois, seulement s’il existe quelque chose d’assez attrayant pour attirer les gens.
Quelle est votre plus grande inquiétude concernant l’IA ?
Charlie Fink : L’IA est extrêmement dangereuse si elle n’est pas régulée. Sa capacité à tromper, imiter et manipuler est terrifiante. Et on n’a aucune idée concrète de comment la réguler, car son développement est plus rapide que la capacité des gouvernements à suivre. Si on régule trop, on prend du retard par rapport à la Chine. Si on ne régule pas du tout, on ouvre la porte au désastre.
Mais n’est-ce pas justement le rôle d’un gouvernement démocratique ?
Charlie Fink : Non. La démocratie, c’est terminé. Internet l’a rendue impossible. Il met mensonges et vérités sur un pied d’égalité, et les gens se tournent vers ce qui confirme leurs biais, pas vers ce qui est factuel. Dans les années 90, on s’est réjouis de la disparition des gatekeepers, mais aujourd’hui, la désinformation se propage plus vite que la vérité. Les guerres ne se feront plus avec des armes, mais avec de l’influence.
C’est un propos fort. Pensez-vous vraiment qu’on a dépassé le point de non-retour ?
Charlie Fink : À 100 %. Aujourd’hui, les gens se tournent vers ceux qui les maltraitent pour chercher du réconfort — comme les sujets envers leurs rois. C’est médiéval. On a encore des élections, mais le vrai pouvoir est entre les mains des milliardaires et des grandes entreprises. Ce sont eux qui contrôlent l’influence, l’information et la richesse. C’est ça, le vrai jeu désormais.
En tant que professeur, comment préparez-vous vos étudiants à ce monde piloté par l’IA ? Et l’éducation peut-elle suivre le rythme ?
Charlie Fink : Non. L’éducation sera la dernière à s’adapter. La culture de l’IA sera portée par les individus et les entreprises, pas par les universités. Regardez les cabinets d’avocats : si vous sortez diplômé cette année, ils s’attendent à ce que vous soyez expert en IA. Les écoles ne l’enseignent pas, donc les étudiants devront apprendre par eux-mêmes. Moi, je leur enseigne à l’utiliser, pas à la craindre. Ils doivent savoir comment formuler des prompts, guider l’IA, et réfléchir de manière critique à ses résultats. Mais voilà le paradoxe : l’IA n’est utile que si vous êtes déjà expert. Elle accélère mon processus d’écriture, mais je dois encore la diriger. Si vous ne savez pas ce que vous faites, l’IA ne vous sauvera pas.
Un dernier mot ?
Charlie Fink : Nous sommes au début de quelque chose d’aussi grand que la révolution Internet. Peut-être même plus grand. L’IA avance plus vite que prévu, et nous ne sommes pas prêts pour ce qui arrive. Accrochez-vous — ce n’est que le début du voyage.
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